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La nourrice sur place

Achard Amédée

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La nourrice sur placeparAmédée AchardSI j'avais l'honneur d'être père de famille, je n'oserais pas écrire cet article, tant je craindrais d'exposer ma race au ressentiment des nourrices futures . il y a trop de petits vices, trop de péchés mondains, trop de qualités négatives à dévoiler. La seule chose qui pourrait peut-être accroître mon courage, c'est cette pensée consolante qu'en général les nourrices ne savent pas lire.Quoi qu'en puisse dire Jean-Jacques Rousseau, pendant longtemps encore, sinon jusqu'à la fin du monde, toutes les dames de France, et celles de Paris en particulier, continueront à ne pas allaiter leurs enfants. Ce sont pour la plupart d'excellentes mères de famille, irréprochables à l'endroit des moeurs, élevées dans le respect de l'opinion et la crainte du bavardage, et qui savent à une unité près le nombre de sourires et de valses qu'elles peuvent oser sans risquer de se compromettre. Si donc elles n'allaitent pas les héritiers que la Providence leur octroie, c'est que toute leur bonne volonté échoue devant ces deux grands obstacles indépendants l'un de l'autre : le mari et le bal.Pour ces pauvres femmes, le monde est un despote impertinent auquel il faut obéir sous peine de voir l'ennui se glisser au sein du ménage : le bal ne souffre point de rival, et si les jeunes mères donnaient leur lait à leurs enfants comme elles leur ont donné la vie, que deviendraient les fêtes, les parures, les danses, les concerts ? La chambre à coucher serait un cloître habité par la solitude, et nous savons beaucoup de hauts dignitaires de l'état, beaucoup de satrapes de la banque, qui ne voudraient pas d'une vertu dont le premier acte serait d'enlever au monde les charmantes reines qui aident à leurs projets par les grâces de leur esprit, et le charme de leur sourire.Quant aux maris, aujourd'hui que toute chose se calcule et s'exprime par des chiffres, ils savent combien il y a de dépenses économiques et d'économies coûteuses . ils n'ignorent pas que toutes les femmes sont plus ou moins poitrinaires ou sérieusement affligées par des symptômes de gastrite, quels que soient d'ailleurs l'éclat de leurs yeux et la fraîcheur de leur teint. Donc l'allaitement ne pourrait que développer la malignité du mal que leurs lèvres roses respirent dans l'atmosphère chaude ou parfumée des bals . et quand viendrait le sevrage, un pèlerinage en Suisse ou en Italie, une promenade aux eaux des Pyrénées, seraient indispensables pour raffermir la santé précieuse ébranlée par les devoirs de la maternité.Or, toutes choses égales d'ailleurs, il est plus économique de payer une nourrice que de courir en chaise de poste avec une adorable malade qui prend texte de ses souffrances pour se faire pardonner ses plus chères fantaisies.Tous les maris savent cela. Lors donc qu'en vertu de la parole divine, qui au commencement du monde a dit aux hommes : Croissez et multipliez

Nombre de pages : 16

Date de publication :

Éditeur : Audiocité

Le studio Littérature

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