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La Niaiserie

Nicolas Boylesve

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LA NIAISERIEA Jacques Boulenger.—Et surtout, Emma, s'il est une chose contre quoi je tienne à te mettre engarde et que j'ose même t'interdire d'une manière absolue, c'est de te laisserlire dans la main. Cette manie de vouloir connaître l'avenir autrement qu'enle préparant soi-même par toutes les mesures qui, à mon avis, forcent ladestinée, est lâche, est imbécile . personnellement, je la trouve répugnante :elle me met hors de moi. Sans compter que cette prétendue science est dela niaiserie. Vois-tu bien, ma petite, le seul malheur que l'on doiveredouter, c'est celui qui est causé par la bêtise humaine, par notre proprestupidité.—Comment se fait-il, Eugène, que tu t'échauffes à ce point-là contre ce quin'est, de ton propre aveu, que de la niaiserie ?—Parce qu'il y a des quantités de gens qui prennent cette niaiserie ausérieux, et que cela peut suffire à troubler un cerveau, à bouleverser unefamille !... Suppose qu'une chiromancienne, cartomancienne, somnambuleou autre toquée du même acabit, t'annonce ta mort prochaine !...—Oh ! il paraît que l'on n'annonce les choses désagréables que surdemande expresse...—Suppose qu'on t'annonce que tu seras bientôt veuve !... Dame ! lapythonisse ne sait pas toujours si c'est une chose désagréable... Eh bien, çate donnerait des inquiétudes, je te fais l'honneur de le croire, et moi, je nem'en cache pas, ça m'embêterait.—Ce qui prouve, mon bonhomme, que tu y crois tout comme les autres !Eugène était un homme corpulent, sanguin, d'un naturel très bon, maisd'humeur violente, et, pendant de nombreuses années, Emma, qui l'aimaitbeaucoup, trembla que son mari ne s'aperçût qu'elle avait transgressé unevolonté si impérieusement exprimée dès les premiers temps du mariage.Elle s'était laissé lire dans la main. Elle s'était laissé lire dans la main unepremière fois, Eugène étant de l'autre côté de la cloison et n'ayant que laporte du fumoir à ouvrir pour être témoin de l'insubordination ! Mais, aprèsle dîner, quand les pauvres femmes entre elles n'ont plus rien à dire, allezdonc perdre l'occasion d'employer des minutes trop longues ! Pendant dixans, quinze ans, vingt ans, elle s'était laissé lire dans la main, sans que riende fâcheux en fût survenu . sans qu'Eugène même, qui, à la vérité, avaitd'autres chats à fouetter, étant à la tête de vastes entreprises, eût euconnaissance de cette pratique devenue de plus en plus à la mode et qu'ilcontinuait d'abhorrer avec un croissant dégoût.Oh ! ce qu'on lisait, d'ordinaire, dans la main d'Emma, était tellementinnocent !... Une ligne de cœur sans un accroc, une ligne de vie excellente .la m

Nombre de pages : 8

Date de publication :

Éditeur : Audiocité

Le studio Littérature

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