Saison 1 - 18. Rebecca Manzoni : "J'écris parce qu'on n'avait plus rien à se dire"
Entre un téléphérique jouet, des baguettes de batterie et un tipi d’enfant se dresse la bibliothèque vivante de Rebecca Manzoni, journaliste à France Inter. Chez elle, les livres se baladent sur le sol comme une trace des pérégrinations de toute sa famille. Depuis des années, elle a pris l’habitude de vivre ses livres: de les corner, de les recopier… que ce soit pour se souvenir, ou pour lui donner de l’inspiration. Dans sa chronique Pop N' Co elle fait entendre le monde à travers la musique. Et comprendre le monde, c’est l’un de ses leitmotiv. Pour se faire, elle lit beaucoup d’auteur.ice.s actuel.le.s: “C’est important de lire les livres d’auteurs contemporains pour savoir ce qu’il se passe, en tout cas pour avoir accès à des mondes que je n’ai pas l’occasion de fréquenter.” (30:33).Avec La place d’Annie Ernaux, le livre qu’elle présente dans ce dix-huitième épisode du Book Club, elle nous parle d’héritage: de monde qui a été et qui n’est plus vraiment, de traditions, d’éloignement et de déceptions jamais cicatrisées.Malgré l’importance que ce livre a dans sa vie, ça n’a pas été l’amour au premier regard. C’est au lycée qu’elle le découvre: ”Je suis complètement passé à côté de ce livre au début, je l’ai lu scolairement, car c'est quand même pas un livre très aimable.”(10:35).Ce livre, qu’elle a relu par la suite, est alors devenu fondamental pour elle: “c’est un livre tellement important pour moi qu’il faut que les mots soient justes, je ne voudrais pas la trahir, Annie Ernaux”(11:42).Cette autobiographie incarne le concept de transfuge de classe: le fait pour une personne de changer de milieu social au cours de sa vie. L’autrice Annie Ernaux y parle de son père. C’est “l’histoire de la vie de cet homme, d’un milieu populaire”(12:43) et de l’autrice/narratrice qui ”va prendre ses distances [avec ce milieu], mais c’est une souffrance” (12:56) résume Rebecca Manzoni.Si la journaliste a choisi de nous parler de La Place, c’est qu’elle se sent très proche du vécu d’Annie Ernaux et de ce qu’elle décrit, que ce soit dans les relations entre les membres de sa famille ou du sentiment de trahison que ressent son père face au statut de transfuge de sa fille. C’est un livre qui l’a marquée car. “c’est quelque chose qui me touche énormément” (18:20), “mon père venait vraiment d’un milieu social tel qu’elle elle le décrit, avec l’immigration italienne en plus”, (21:53) “et même si mon père est venu très régulièrement chez moi, je pense qu’il y avait cette idée de “tu ne me comprends plus, tu t’es trop éloignée”. (23:21)